Affutez vos plans médias Jeunesse
Retrouvez notre interview de la Revue du Jouet qui fait le point sur les médias des jeunes, et les messages auxquels ils sont sensibles.
RDJ : En termes de communication, de médias et de messages, à quoi les enfants sont-ils le plus sensibles aujourd’hui ? Quels sont les ingrédients à prendre en compte pour les atteindre le plus efficacement possible ?
JC : Vaste question, dans un contexte de fragmentation d’audience extrême, où le zapping se fait de plus en plus rare, du fait des algorithmes, tandis que les enfants commencent à plus connaître les chaînes par leurs N° que par leurs noms, et qu’ils sont habitués à chercher des contenus plutôt que des chaînes !
Une partie de la réponse se trouve dans les résultats de l’étude barométrique New Deal Média* que Junior City mène au printemps de chaque année depuis 2021. Une photographie de ce qu’enfants et ados ont le plus l’habitude de consommer comme contenus sur les différents écrans et plateformes, traduction de ce qui les intéresse au premier chef.
Une édition 2025 dont les résultats devraient ravir les Annonceurs, grâce à une somme de signaux indiquant une exposition sensiblement plus importante des 7-12 ans à la publicité lorsqu’ils sont sur leurs écrans. En premier lieu la publicité sur les plateformes de streaming majeures, avec 2 fois plus de foyers par rapport à l’an dernier ayant opté pour un abonnement avec publicité. Une aubaine pour le futur pour toucher la cible des enfants, si les régies publicitaires font évoluer leurs offres sur des catégories de produits également destinées aux enfants, compte tenu de la proportion d’entre eux qui regardent tout ou partie de leurs séries sur ces plateformes. Rappelons que près de 9 enfants de 3-12 ans sur 10 (88 %) ont accès à une ou plusieurs plateformes de streaming, Netflix et Disney+ en tête.
Parmi ces indices de plus grande exposition des enfants à la publicité, à noter une croissance de +5 points de la proportion des 3-6 ans ayant accès à des programmes sur les chaînes TV traditionnelles, ou encore un gain de +12 points vs 2024 des 7-12 ans se souvenant avoir vu de la publicité la veille ou le jour même à la télévision et/ou sur YouTube. Des 7-12 ans qui, pour 1/3 de ceux habitués à utiliser YouTube, y regardent de la publicité sans appuyer sur le bouton « ignorer l’annonce », alors qu’ils étaient seulement 1 sur 5 l’année précédente.
YouTube s’est imposé comme le point de passage obligé, avec 2/3 des 3-12 ans qui y ont accès régulièrement (cumul YouTube + YouTube Kids).
RdJ : La communication digitale semble donc être un élément indispensable pour toucher les enfants ?
JC : Si par digital on entend « tout ce qui n’est pas la télé ou le cinéma » : oui, mais avec un accent mis sur YouTube, qui est devenu le moteur de recherche privilégié des 7-12 ans lorsqu’ils vont sur internet. YouTube où entre 25 % et 30 % des 3-12 ans vont régulièrement voir des dessins animés, des programmes éducatifs, des tutos d’activités manuelles, des clips musicaux ou chorégraphiques, mais aussi des vidéos d’influenceurs*… pardon, de « créateurs de contenus » comme on dit aujourd’hui pour mieux les valoriser, où le ton humoristique et décalé prime pour attirer massivement les enfants à partir de 9-10 ans dans l’antichambre des réseaux sociaux, avec TikTok et Snapchat faisant figure d’égéries pour les plus jeunes.
TikTok, qu’un peu moins de 30 % des 9-10 ans ont l’habitude d’utiliser, dont 1/3 tous les jours ou presque, durant près d’1/2 heure à chaque fois* ! Snapchat dont 20 % d’entre eux se servent également dans des proportions comparables, avec bien évidemment une très forte corrélation liée à la possession personnelle d’un smartphone. Des chiffres impressionnants qui en disent long sur le basculement graduel du temps passé sur son portable à partir du collège, le moment où l’on quitte l’enfance. Mais des chiffres qu’il convient encore (pour le moment !) de relativiser en termes de communication pour ce qui concerne les moins de 10 ans.
D’autant que 3/4 des 7-12 ans s’intéressant aux stars d’internet et aux influenceurs les plus populaires les suivent via YouTube, qui demeure la porte d’entrée N°1 sur l’univers des créateurs de contenus, loin devant TikiTok ou Instagram*.
RdJ : Il convient donc de leur parler avec humour et de manière décalée pour les intéresser, mais y a-t-il d’autres registres à utiliser pour tenter de les convaincre ?
JC : Faire rire ou au minimum sourire est effectivement une des clés pour retenir l’attention des enfants, notamment les plus jeunes. Mais la démonstration de l’intérêt même de la phase de jeu, de l’activité ou du produit est à privilégier, car dès l’âge de raison, les enfants attendent d’être convaincus par un bénéfice objectif qu’ils sont capables de décrypter immédiatement, si possible différenciant, d’autant plus dans un univers où les offres concurrentielles ne manquent pas ! Pour être engageants, les films publicitaires pour les jeux et les jouets doivent faire comprendre en quoi ceux-ci sont amusants, et accessoirement innovants, car la caractéristique de la nouveauté en tant que telle chez les enfants correspond à « je ne l’ai pas encore ! » bien plus qu’à « ça n’existait pas encore… ». Le plus pertinent étant de le contextualiser en situation réelle, mettant en scène des enfants, avec des gros plans sur le produit lui-même. Ce qui est déjà la norme sur le marché… avec du coup comme problématique induite : comment se démarquer, si tout le monde suit à peu près la même recette ? C’est là que les bénéfices distinctifs du jeu ou du jouet doivent faire la différence, la complexité demeurant dans les formats contraints de spots de moins de 20s, à la différence des films d’unboxing diffusés sur YouTube durant plusieurs minutes !
Lorsqu’on interroge les enfants sur ce qui les a marqués dans les publicités qu’ils préfèrent**, abstraction faite de personnalités ou de personnages de licence, les 3 ingrédients majeurs qui ressortent sont 1/ l’amusement (« il faut que ce soit rigolo ! » particulièrement chez les 7-8 ans), 2/ le fait de passer du bon temps en famille ou avec ses frères & sœurs (parce que finalement on joue très peu avec ses copains-copines à la maison), et pour finir 3/ la dimension imaginaire, le fait de pouvoir s’inventer des histoires, plus particulièrement chez les plus jeunes.
Ce qui fait entre autres la force des copies de jouets d’imitation, comme des produits de licence, où l’on peut faire « comme dans le film, ou comme dans le dessin animé « .
Mais les benchmarks se trouvent peut-être aussi en dehors de la filière, parmi les créations des secteurs d’activité dont la com touche également massivement les enfants et les pré-ados, comme les gâteaux et les confiseries dans l’univers alimentaire, les jeux vidéo, le fast-food ou la téléphonie mobile, mais aussi l’hygiène-beauté, l’automobile ou la distribution : des secteurs d’où émanent 3/4 des publicités préférées des 7-14 ans**. Des créations bien plus spectaculaires pour la plupart, véhiculant aussi d’autres types d’émotions, mais surtout réalisées dans des formats beaucoup plus longs que la moyenne des films de jeux-jouets.
RdJ : Côté spectaculaire, que dire sur le cinéma ?
JC : Le cinéma reste une destination importante, avec 9 enfants de 3-12 ans sur 10 qui y vont au moins une fois par an*. En moyenne 3,5 fois, avec une médiane à 2,5, ce qui veut dire que la majorité y vont 3 fois par an, en gros, à l’occasion de chacune des vacances scolaires.
Les 3 motivations principales poussant les 7-12 ans à aller voir de nouveaux films étant les bandes-annonces, le genre des films et le nouvel opus d’un film qu’ils ont déjà vu et qu’ils ont adoré. En dehors de l’histoire elle-même, le plaisir recherché en allant au cinéma reste l’attraction du grand écran, jumelé au moment partagé en famille, car lorsqu’on est enfant, le cinéma est une sortie familiale… dont les parents demeurent 7 fois sur 10 les instigateurs*.
Le cinéma, qui arrive en tête des moyens permettant de découvrir de nouveaux héros en dehors de la publicité et des dessins animés à la télévision ou sur YouTube, et du bouche-à-oreille entre copains à l’école, pour 3 enfants de 7-8 ans sur 10*.
Voilà ce que je peux vous dire sur les territoires auxquels les enfants sont le plus sensibles et le plus présents aujourd’hui, en gardant bien à l’esprit que les catalogues papiers demeurent la source d’inspiration N°1 des enfants, comme de leurs parents, pour la réalisation de leurs listes de Noël, et que la théâtralisation en magasin reste un ingrédient à ne pas négliger, contribuant à amener une dimension de rêve supplémentaire.
*NEW DEAL MÉDIA : 1.400 foyers avec enfants de 3 à 18 ans interrogés, national représentatif – terrain mené entre le 3 et le 10 avrils 225.
**Source : étude omnibus FamilyBus – terrains réalisés 3ème semaine de septembre 2024, 3ème novembre de 2024 et 3ème semaine de janvier 2025.
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