L’insolente bonne santé du jeu vidéo
+9,9% : le taux de croissance du marché du jeu vidéo en France en 2023 (segment des consoles : +16%, segment des jeux : +6% à +7% selon les catégories1.) Une croissance insolente face à la déconsommation à laquelle le marché du jouet fait face.
Avec un marché du jeu vidéo presque 2 fois plus important que celui du jeu-jouet (6,1 milliards d’euros contre 3,3 selon les représentants nationaux des 2 filières), le dynamisme de l’un vs l’érosion de l’autre dans un contexte de pouvoir d’achat tendu suscite plusieurs réflexions, au-delà d’un simple principe de vases communicants.
Deux marchés qui ne font qu’un : celui du divertissement familial domestique, que ce soient les enfants, les ados ou les parents, réunis ou de manière individuelle. Deux catégories de produits qui ne font qu’une pour le consommateur-shopper dans la constitution des listes de cadeaux de Noël2. Deux familles à la même vocation : passer du bon temps, s’amuser, s’évader, simuler, se raconter des histoires en dehors de la lecture et de la fiction audiovisuelle. À cela près que le jeu vidéo s’adresse à une cible beaucoup plus large et sensiblement plus âgée que le jouet, en grande partie identique à celle du jeu de société, créant de fait concurrence entre les deux, chaque clan possédant ses propres atouts, ses forces et ses faiblesses. Mais rien de bien original à ce rappel !
Sauf que la donne démographique actuelle est structurellement plus favorable au jeu vidéo en ce moment, si l’on considère que le cœur du marché des jeux-jouets couvre les 2-12 ans vs celui des jeux vidéo les 8-18 ans : 8,6 millions de consommateurs potentiels face à 9,4 millions3 (9% de plus en faveur du jeu vidéo), alors qu’il y a 5-6 ans, le potentiel était à peu près identique (avec 9,3 millions dans les 2 cas). Et ce sera encore pire dans les 2 ans qui viennent, avec un déficit d’1 million d’enfants du côté jeux-jouets !
Un déficit également marqué du temps de jeu accordé aux jeux-jouets, avec 30% de temps hebdomadaire moyen de plus consacré par les 9-10 ans aux jeux vidéo que celui dédié à jouer à des jeux de société ou avec des jouets4. Une tendance encore plus marquée chez les filles (43% de temps de jeu vidéo de plus). On ne peut passer sous silence cet avantage également constaté par les parents, qui voient le ratio « coût/temps d’amusement » des jeux vidéo plus économique, avec à la clé des possibilités de jeu complémentaires pour eux-mêmes ! Oubliant par la même occasion certaines de leurs réserves à l’encontre des écrans …
Le phénomène Kidultes, dopant les ventes de jeux-jouets (plus du 1/4 du CA annuel selon les experts de la filière) est également en marche côté digital, pour des raisons similaires à l’engouement dont bénéficient les jeux de société : jeunes adultes et parents de plus de 30 ans ont (re)pris goût aux jeux sous toutes leurs formes. Ils apprécient de jouer, tout autant sur écran qu’autour d’un plateau ou avec des cartes, dès l’instant où le jeu est rapide, les règles immédiates et l’encombrement minimal. Une somme de raisons expliquant le succès des jeux nomades, comme des consoles portables et de plus en plus des jeux sur applis, Monopoly Go en étant un bon exemple.
Raison aussi de s’intéresser de plus près aux jeux sur mobiles … auxquels 4 enfants de 6-10 ans sur 5 et près des 3/4 de leurs parents ont l’habitude de jouer aujourd’hui4, comme le propose l’édition 2024 de l’étude barométrique New Deal Média : l’enjeu en vaut la chandelle, car le temps passé à jouer sur un portable par la jeune génération, c’est autant de temps passé en moins sur TikTok ou sur YouTube ! Des vases communicants d’une autre nature.
1. Source : SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs) – 2. Étude sur les listes de Noël de demain menée en octobre-novembre 2023 3. Source INSEE. – 4. Baromètre Junior#Crush – 750 familles avec enfants de 4 à 14 ans interrogées en novembre 2023 et janvier 2024